Tribune de Yannick Bolloré, Président du Conseil de surveillance de Vivendi, parue dans Investir le 16 juillet 2022.

Les industries des contenus, par leur pouvoir d’influence, ont un rôle à jouer en faveur de la promotion de cultures diverses et de la cohésion sociale.

A l’image de l’Organisation des Nations unies (ONU), pour qui la culture est un des moyens d’atteindre les 17 objectifs de développement durable qu’elle s’est fixés à l’horizon 2030, les démocraties ne remettent plus en cause le rôle de la culture et des échanges interculturels dans le développement économique et la paix entre les peuples.

En France, en 2019, les activités culturelles totalisaient une production de 95,3 milliards d’euros, selon un rapport du ministère de la Culture, et la part de la culture dans l’ensemble de l’économie s’établissait à 2,3 %. Près de 693 000 personnes travaillaient dans ces secteurs (2,6 % de la population active). En réalité, ces chiffres sont bien plus élevés. Ils ne tiennent, en effet, compte ni des retombées économiques indirectes de la culture, ni de la totalité de l’activité des acteurs numériques, ni de la contribution des services gratuits. En outre, la culture et, plus encore, la diversité culturelle sont une force motrice du développement économique, permettant à chacun de mener une vie intellectuelle, affective et spirituelle plus satisfaisante, et de déployer son énergie. Enfin, en temps de crise, comme nous l’a démontré la pandémie de Covid-19, la culture est un pourvoyeur de bien-être et d’échanges. A l’heure de la tentation de la démondialisation et du repli sur soi, avoir une culture riche, ouverte et reflétant toutes les civilisations et les sensibilités constitue bien un atout considérable pour le développement économique.

VOULOIR VIVRE ENSEMBLE

La dimension culturelle est présente dans les trois quarts des grands conflits mondiaux. Les atteintes à la liberté et à la diversité culturelle, constatées dans certains pays, vont souvent de pair avec des gouvernements belligérants et/ou de graves crises internes. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, les guerres civiles en Syrie et au Yémen, ou encore le conflit dans le Tigré ne sont que quelques exemples parmi les milliers qui ont jalonné l’histoire. Avec le retour de la guerre en Europe, à nos portes, il nous est impossible d’ignorer l’importance de l’échange entre les peuples et de la connaissance de l’étranger et de ses différences pour préserver la paix. La culture s’offre alors indéniablement comme un liant extraordinaire des peuples.

Des gouvernements et des organisations supra gouvernementales, dont l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), jouent un rôle majeur pour mener à bien le combat pour la paix via la culture. La déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle stipule notamment : « Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, il est indispensable d’assurer une interaction harmonieuse et un vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes aux identités culturelles à la fois plurielles, variées et dynamiques. Des politiques favorisant l’intégration et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix. »

Gouvernements, entreprises publiques et entreprises privées doivent agir dans ce sens. Les industries des contenus, dont Vivendi est un des leaders mondiaux, sont en première ligne en raison de leur pouvoir d’influence. Cette influence a grandi avec la digitalisation de la société et la démocratisation du smartphone dès le plus jeune âge. Sur la quasi totalité des continents, nous sommes bombardés de contenus, utiles ou moins utiles. Il est de notre responsabilité sociétale d’être vigilant, notamment face à l’amplification de ces contenus sur les réseaux sociaux. Décriés car lieu de nombreuses dérives, ces derniers permettent aussi aux différentes cultures de communiquer entre elles et peuvent ainsi contribuer à la connaissance, à l’acceptation et à la reconnaissance de l’autre.

RICHESSE EUROPÉENNE

L’Europe bénéficie d’une richesse culturelle précieuse par rapport à d’autres zones géographiques où les contenus sont davantage standardisés. Nos gouvernements luttent contre l’obésité alimentaire. Qu’en est-il de l’obésité culturelle ? A quand une publicité sur cinq produits culturels différents par jour ? Pourquoi ne pas se réveiller au son des chants carnatiques de l’Inde du Sud, jouer au jeu vidéo Asphalt pendant les transports en commun, écouter un opéra dirigé par Herbert von Karajan de retour à la maison, regarder le film Casque d’or après le dîner, et enfin lire La Plus Secrète Mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr avant de s’endormir ?

Vivendi soutient une telle création diverse, riche et accessible à tous les publics. Tel est le sens de sa politique de RSE, Creation for the Future, et de sa démarche quand, par exemple, en 2021, Editis, le numéro deux de l’édition en France, a lancé Le Bruit du monde, une maison au programme éditorial ouvert sur le monde. En mars Gameloft a créé Exploratio, un jeu ayant pour ambition de faire découvrir la richesse du français et d’en favoriser la maîtrise. L’an dernier, Groupe Canal+ a dépensé 50 % de ses investissements dans des programmes locaux, a investi 500 millions d’euros dans le cinéma français et européen, et a restauré ou numérisé 120 anciens films. Enfin, Vivendi a mis en place, en 2008, un programme de solidarité, Vivendi Create Joy, et va bientôt créer une fondation dont l’un des objectifs sera l’accessibilité de la culture aux jeunes de milieux défavorisés.

La dynamique doit perdurer. L’Europe, via ses acteurs publics et privés, doit continuer de soutenir et de financer la culture. Il y va de son développement économique et de la paix entre les peuples.

Yannick Bolloré, Président du Conseil de Surveillance de Vivendi